Q: Rav Cherki, vous avez présenté lors d’un congrès en Hollande (Capelle aan den IJssel, 10 Janvier 2010) le Talmud Baba Kama 38a indiquant qu’à l’origine les Sept Commandements avaient été donnés à l’humanité mais Dieu, voyant que les nations n’étaient pas prêtes à les accomplir, les a abolis. Le Talmud s’interroge: y a-t-il tout de même une punition au fauteur? Et répond que les commandements n’ont pas été réellement abolis, ils n’ont simplement plus le caractère obligatoire de la Mitsva (commandement) et donc la récompense et la punition sont inférieurs.

Vous avez présenté ce débat talmudique comme étant à l’origine de l’arrêt des décisionnaires exigeant des Gentils l’acceptation officielle des Sept Commandements afin de les élever à leur dimension véritable. Vous soulignez « qu’il est nécessaire de sortir de la situation actuelle dans laquelle les nations respectent les Sept Lois sans les considérer comme la volonté de Dieu. »

Mes questions sont les suivantes :

1. Quelle est la source de l’arrêt des décisionnaires que vous avez mentionné? Des décisionnaires ont-ils statué différemment?

2. « Le mérite de ceux qui ont reçu l’ordre d’accomplir et les exécutent est supérieur au mérite de ceux qui effectuent ces mêmes actions sans en avoir été commandés » (Baba Kama 38a). L’inverse est-il aussi vrai, c’est-à-dire la punition est-elle également supérieure à celui qui enfreint un commandement dont il a été ordonné? Si tel est le cas, comment un non-Juif peut-il faire une analyse de risque raisonnable avant de prendre sur lui les Sept Commandements? En d’autres termes, y a-t-il un avantage à ne pas prendre sur soi officiellement les lois Noachides?

3. Quelle est la déclaration minimale pour valider l’acceptation officielle?

4. Quelles sont les exigences du point de vue des juges et témoins? Peuvent-ils être non-Juifs?

5. J’ai trouvé des déclarations telles: « J’accepte et me soumets à l’autorité de ce tribunal », ou « je fais le serment […] devant ce tribunal rabbinique. Par la présente je m’engage à respecter les Sept Lois […] sous la direction de ce tribunal rabbinique. »
Si un Noachide décide de ne pas se soumettre à l’autorité de l’un des tribunaux juifs, est-ce que la déclaration est valide?

Note: Je pose les deux dernières questions en ayant en tête le Protocole des Sages de Sion. Je ne voudrais pas que cette déclaration Noachide devienne la réalisation des fantasmes décrits dans ce livre, à savoir la domination du monde par les Juifs. Je suis d’avis que les Noachides se soumettent à la Vérité – qui a été transmise au peuple Juif au Sinaï – et non aux Juifs.

Réponses:

1. La source principale est le Talmud au traité Avoda Zara page 64b. Les décisionnaires sont essentiellement Maïmonide (Rambam) dans Rois 8,10.  Il n’a cependant pas indiqué cette condition dans les autres chapitres de son oeuvre traitant du statut de guèr tochav (résidant Juste). C’est ce fait qui a poussé d’autres Rabbins à la conclusion que l’acceptation était une bonne chose mais non une condition sine qua non. (Par exemple l’auteur contemporain Elisha Alterman dans Gevoul Israël, ch.1).

2. Absolument.

3. Le minimum est d’accepter l’obligation d’observer les Sept Lois Noachides, reconnaître leur origine divine (et leur interprétation selon les traditions Talmudiques).

4. Le Rambam emploie le terme de « haverim » pour désigner les juges, signifiant habituellement un Juif baigné de Thora. Mais si l’on adopte l’opinion du Rav Kook (qui n’est pas acceptée universellement) que s’il est reconnu qu’une nation dans son ensemble accepte les lois Noachides il n’est plus nécessaire de faire une déclaration, alors le tribunal n’a pour seul devoir que de vérifier si un tel non-Juif est guèr tochav. D’autres considèrent que cette déclaration est en quelque sorte une conversion officielle et non seulement un témoignage. Si c’est vrai, des juges Juifs sont alors indispensables.

Il est également probable que le Rambam différencie entre un guèr tochav, qui nécessite un tribunal, et un Ben Noah, qui accepte la loi Noachide seul.

5. Je ne pense pas que ça doive être lié à un tribunal spécifique. Peut-être que dans l’avenir les autorités rabbiniques centrales définiront une déclaration standard.

Je suis en accord avec votre interprétation. Mais j’estime qu’il devrait être clair que la solidarité avec le peuple Juif et son Etat est moralement évidente.